Comment vous raconter le fait, Monsieur le
Docteur…Pourrai-je seulement commencer ? Je ne me souviens plus de rien, -
si ce n’est de la prenante et meurtrière lourdeur de « ces Mains »
sur mes épaules.
J’étais si jeune et insouciant, vraiment, à
l’époque !
Je vous dis, oui : j’étais jeune,
j’étais gai, avec une âpre envie de me laisser aller à la vie… Je ne pesais pas
lourd sur la terre. Je prenais si peu de place, je me contentais de si peu, que
je ne comprends pas pourquoi j’ai été si ardemment poursuivi du malheur…Mais,
après tout, n’est-ce pas, vous ne me demandez pas l’histoire de mes belles
années qui vous importent peu, et ce sont les mauvaises qui vous intéressent.
Je vous dis, je ne me rappelle pas le
commencement… Comment me le rappellerais-je d’ailleurs ? puisque la Chose
me semble avoir toujours existé et se reculer infiniment. Enfin, dès ma toute
première enfance j’ai eu cette sensation, cette vague et inquiétante sensation
de quelque subite « lourdeur » sur mes épaules. Je vous ai dit,
j’étais gai et insouciant, mais quand cela me prenait, d’un coup, sans
m’avertir, je me courbais sous le poids, et un long, un long frisson parcourait
tout mon être ! Et puis je secouais les épaules, comme pour m’en
décharger, et je ne m’en occupais pas davantage… Quelquefois mes camarades me
demandaient :